Intervention de Monsieur Jacques FREMIOT
Directeur de Monsieur Bosson, ministère de l’Équipement
En premier lieu, je voudrais vous présenter les regrets du ministre, Bernard BOSSON, de ne pouvoir être présent pour clôturer ce colloque. Il avait prévu de venir lui même, mais son emploi du temps a dû être modifié.
Il aurait souhaité pouvoir vous rencontrer aujourd’hui pour manifester toute l’importance qu’il porte à l’’aménagement des territoires et des villes. Il s’y intéresse aussi bien au niveau national, en tant que ministre de l’Equipement, des Transports et du Tourisme, qu’à un niveau local en tant que maire d’une ville soucieuse d’apporter à ses habitants une qualité de cadre de vie.
Il m’a chargé de vous dire, en peu de mots, quelques convictions en relation avec votre rencontre d’aujourd’hui.
Vous avez situé fort opportunément votre rencontre dans le cadre de la grande consultation lancée par le ministre et intitulée “ensemble, traçons notre avenir”.
Vous vous êtes interrogés sur la manière dont les services de l’Etat. - et donc les professionnels que vous êtes, qui avez par nature vocation à intervenir sur le champ de l’architecture et de l’urbanisme - peuvent contribuer à susciter et garantir la qualité de nos villes et de nos paysages.
Cette initiative est la preuve du dynamisme et de la capacité d’initiatives qui existent au sein des services de l’Etat. Elle montre la capacité des architectes et urbanistes de l’État à se questionner sur leur mission et leur métier, à un moment déterminant de leur histoire - je veux parler de la création de ce nouveau corps regroupant les urbanistes de l’État et les architectes des bâtiments de France -, et en situant leur action dans une vision prospective, celle d’un monde en devenir.
La qualité de l’aménagement de la ville et de l’espace est au coeur même des préoccupations et des responsabilités de notre ministère. Le ministre le souligne fréquemment. Cette qualité dépend pour une large part de notre capacité:
- à préserver et à mettre en valeur le patrimoine architectural, urbain et paysager reçu en héritage,
- et à concevoir et mettre en valeur le patrimoine de demain.
Les architectes et urbanistes de l’État, grâce à leurs compétences propres dans les deux domaines de l’aménagement et du patrimoine regroupés dans le corps, ont un rôle déterminant à jouer pour assurer la synthèse entre ces notions complémentaires que sont l’aménagement et la protection.
Je reviens au grand débat, auquel vous avez largement participé.
Votre contribution à ce grand débat est, selon les échos parvenus jusqu’au ministre, riche et originale; elle rend compte de la spécificité et de la richesse des apports de votre métier, vous semblez, d’après ce qui est remonté jusqu’à présent, vous distinguer des autres métiers du ministère à trois titres:
- une capacité à appréhender la complexité de votre champ d’intervention;
- une culture du projet: compétence d’assembleur qui prédispose à trouver et à gérer dans le temps des équilibres complexes;
- un sens des responsabilités particulières de l’État en matière de protection et d’aménagement.
Votre compétence technique est une valeur fondamentale: votre culture est bien particulière:
- elle fait appel à la perception de l’espace, à son vécu, à la dimension du temps dans la construction de la ville et l’évolution des paysages, à la sensibilité humaine, à l’imagination, à l’aptitude à créer.
- elle nécessite une capacité de synthèse et de raisonnement global.
Différente de la culture technique traditionnelle des services du Ministère, votre compétence est et doit être reconnue. Les deux cultures ne peuvent pas s’ignorer, ne doivent pas s’opposer. Ce serait très dommageable pour l’ensemble du Ministère. Ce serait mal compris par nos nombreux interlocuteurs extérieurs. Au contraire, un dialogue et une synergie ne peuvent qu’enrichir l’action du Ministère et grandir celui-ci aux veux du public et de l’usager. Assumons les difficultés du dialogue et présentons le visage d’un grand Ministère technique pluridisciplinaire au service d’une grande ambition.
La synergie entre les cultures ne signifie pas, bien entendu, renier sa spécificité. Elle doit, si elle est vraie et réelle, conduire chacun à bien maîtriser sa spécialité.
Vous avez d’ailleurs souhaité entretenir et développer cette compétence spécifique en ayant des contacts et des échanges avec la recherche, l’enseignement, les différents partenaires professionnels et institutionnels.
Il s’agit là d’une suggestion fort intéressante qu’il convient d’approfondir.
Au moment où se développent les réflexions sur l’évolution des missions et l’organisation des services de l’Etat, au moment où se cherchent de nouvelles orientations pour son action territoriale, l’apport des réflexions suscitées par l’expérience professionnelle des architectes et urbanistes de l’Etat ne peut que contribuer à l’enrichissement du débat national, grâce notamment à l’étendue et la diversité de leur champ d’action.
L’ intervention de l’État, qui se situe à différentes échelles doit être guidée, dans un objectif fédérateur de qualité, par l’équilibre entre aménagement et protection des territoires.
Cet équilibre doit s’apprécier à la fois avec finesse et rigueur. Riqueur ne veut pas dire rigidité car il faut savoir s’adapter aux circonstances locales. En effet, il est nécessaire de gérer les éventuelles contradictions et les incohérences en adaptant son action en fonction du niveau et de la nature du problème posé. Cette adaptation suppose de pouvoir s’appuyer sur une doctrine objectivable et explicable, ce qui n’est pas facile en architecture et dans les problèmes urbains.
L’intervention de l’État doit s’inscrire dans le cadre des évolutions politiques et administratives. Le rôle des administrations a changé et se modifiera encore. Les facteurs d’évolution sont notamment la décentralisation, une plus grande déconcentration, l’émergence et l’affirmation de nouveaux partenaires, le développement des mouvements associatifs, la demande des usagers et des citoyens d’être écoutés, la dimension européenne…
L’évolution de la société et de son économie, les attentes sociales et la revendication d’une plus grande prise en compte de la qualité de traitement de l’espace sont en outre à prendre en compte dans des cadres plus complexes à délimitations variées: les problèmes des agglomérations, la vie dans les “pays”, l’appréhension des paysages. transcendent les limites administratives. Les enjeux de l’État qu’il est projeté de traduire dans des directives territoriales d’aménagement sont à considérer sur des territoires à définir.
Cela suppose l’intervention de nouveaux interlocuteurs, la gestion de certaines confrontations, la recherche de complémentarités…
Les règles du jeu de l’aménagement sont complexes et le deviennent de plus en plus. Elles exigent une plus grande concertation en amont, des interventions plus fines, des décisions partagées.
Elles appellent un nécessaire dialogue et une responsabilité pédagogique vis-à-vis des divers acteurs comme du public. Elles passent par une double ouverture:
- une ouverture interne aux services pour bénéficier de toutes les compétences,
- une ouverture externe permettant d’être à l’écoute des acteurs et de l’évolution du monde.
La tâche est difficile; elle appelle une certaine humilité. Mais elle est aussi exaltante, au service de nos concitoyens.
Je voudrais terminer en remerciant les organisateurs de la rencontre, en les félicitant pour le thème retenu.
Au-delà des aspects statutaires, l’enjeu de la création de ce nouveau corps réside bien dans la contribution qu’il saura apporter:
- à une meilleure définition et à une dynamisation du rôle de l’Etat en matière de protection et d’aménagement,
- à la consolidation d’une compétence technique et professionnelle spécifique.
Cette rencontre augure bien de l’avenir.